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Les arbres remarquables du canton prennent du volume

15/06/2017
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Thierry Mertenat,
Tribune de Gèneve

Espaces verts. Un beau livre récemment paru raconte «41 histoires enracinées à Genève». Les images sont de Thierry Parel, ancien horticulteur devenu photographe.

Une galerie de portraits pas comme les autres: la crème des crèmes, l’excellence dendrologique mise en livre. Les plus beaux spécimens de notre patrimoine arboré viennent en effet de prendre du volume. Un ouvrage simplement élégant, au tirage impeccable, à la consultation aisée. Enrichi par un petit supplément éditorial en forme de livret de poche, répertoriant quatorze balades entre ville et campagne, à la rencontre de ces silhouettes imposantes, souvent centenaires, signalant à chaque fois la présence d’un arbre dit remarquable.

En botanique comme ailleurs, n’est pas remarquable qui veut. Il faut ici se prévaloir d’une essence, d’une histoire et d’une série de mensurations qui redimensionnent la beauté recherchée à un niveau supérieur. Ainsi, sur les 500 000 arbres (hors forêts) que compte le canton de Genève - oui, un demi-million -, 206 à ce jour sont classés dans cette catégorie supérieure. Les réunir tous dans la même publication aurait fait étouffe-chrétien - il existe des archives numériques pour cela -, on s’est contenté à raison d’en sélectionner une quarantaine. Décision collégiale, le bouquin a ses plumes et ses spécialistes (Roger Beer, Bertrand Favre), mais d’abord et surtout son œil, en la personne du photographe indépendant Thierry Parel.

CHÈNE VERT EN HIVER

Une pièce rapportée, née à Neuchâtel, loin de ce patrimoine prestigieux? Biographiquement peut-être. Sur le terrain des compétences propres, le mandaté dispose de solides références. Deux fois professionnel: horticulteur et paysagiste, avant de sortir diplômé de l’Ecole de photo de Vevey. Double savoir-faire qui permet les vraies images. Un exemple parmi d’autres: page 59, le chêne vert du parc Geisendorf, situé sur un ancien domaine agricole de la rive droite. Il a été photographié en hiver, histoire de faire ressortir son feuillage persistant. Détail remarquable. L’ignorant aurait sagement attendu la fin du printemps.

Parel n’est pas seulement un fin connaisseur; il est pugnace, s’accroche aux branches quand leur photogénie lui résiste. Chaque arbre a été visité au minimum deux fois, en variant les heures de la journée, en cherchant la bonne lumière sous un ciel pas toujours collaborant. Le cèdre du Liban, planté jadis dans le domaine du Château des Bois à Satigny - reconnu comme étant le plus grand exemplaire de Suisse - a nécessité une demi-douzaine de visites. Sa couronne au développement arachnéen, frôlant le sol sur plusieurs dizaines de mètres, résistait au cadrage et à la profondeur voulue. La sixième fois fut la bonne. Portrait étonnant, sortant du lot, malgré la concurrence, quelques pages plus loin, avec des congénères également impressionnants.

JOUTES BOTANIQUES

Le cèdre est chez lui à Genève, au moins depuis le début du XIXe siècle. A l’époque, nous rappellent les auteurs du livre, les botanistes locaux se livraient de véritables joutes, à coups de graines ramenées du vaste monde pour le compte des grandes familles à particules arborescentes. Le fruit de ces anciennes et fertiles compétitions n’est pas toujours accessible au grand public. A commencer par «l’arbre des banquiers», un magnifique marronnier d’Inde, qui ouvre la série, et appartient à la propriété des Rothschild à Pregny. L’œil du photographe redouble d’attention devant ces raretés cultivées à huis clos - le domaine fait quand même seize hectares - par des mains expertes, réunies dans une équipe d’une quinzaine de jardiniers. Petit coup de cœur pour le pin de Corse dont les troncs verticaux furent souvent utilisés pour la construction des mâts de bateaux.

DÉTAILS ANATOMIQUES

Reste l’exercice parfois fastidieux de la détermination. On doit remercier Thierry Parel de nous livrer les détails anatomiques de chaque arbre. Leurs ramures ont été photographiées en studio par ses soins. Elles sont instructives et donnent du rythme à l’ensemble. On évite ainsi habilement le côté nomenclature un peu trop méthodique; on passe du grand angle obligé à l’objectif du joaillier; on change de code en somme, sans jamais perdre son sujet.

Pas le moindre bémol? Si, la partie rédactionnelle laisse un peu le lecteur sur sa faim. Les textes de circonstance auraient mérité un développement. Ils sont brefs, avec ici et là des redondances. Le livre n’a pas de maison d’édition désignée, mais un impressum avec une paternité cantonale renvoyant naturellement au Département de l’environnement, des transports et de l’agriculture. On le trouve dans toutes les bonnes librairies, et pas qu’à Genève. Diffusion généreuse et prix amical. Ces «Arbres remarquables, 41 histoires enracinées à Genève» comptent 127 pages. (TDG)